Vous êtes nombreux parmi mes lecteurs à participer à des visites de contrôle de l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP). Et vous constatez bien souvent que l’accessibilité pour les personnes déficientes visuelles est mal comprise et mal maîtrisée par les professionnels du bâtiment. Voilà pourquoi j’ai eu l’idée de lancer une série d’articles abordant les fondamentaux de l’accessibilité des ERP pour le handicap visuel. On commence par les cheminements extérieurs. Repérage, signalétique, traitement des obstacles et des risques de chute, vous saurez point par point toutes les exigences réglementaires que doivent respecter les cheminements extérieurs aux abords des établissements recevant du public. En plus de vous informer sur les normes en vigueur, vous pourrez alors tout vérifier lors de vos visites sans rien oublier et même faire des préconisations pour améliorer la qualité d’usage.
Un seul cheminement pour tous
Les exigences réglementaires concernant les établissements recevant du public (ERP) situés dans des bâtiments existants sont détaillées dans l’arrêté du 8 décembre 2014. Son article 2 concerne les cheminements extérieurs.
Pas question d’avoir un cheminement différent pour les personnes ayant un handicap, le cheminement accessible doit être le cheminement emprunté par tous. Il démarre depuis l’accès au terrain de l’établissement et mène jusqu’à l’entrée principale du bâtiment ou une des entrées principales. L’accès au terrain est le point de jonction entre la voirie et le domaine de l’ERP. Il peut être matérialisé par un portail mais ce n’est pas systématique.
Des cheminements extérieurs détectables et repérables
Selon la réglementation, le cheminement accessible doit permettre à une personne ayant une déficience visuelle de se localiser, s’orienter et atteindre le bâtiment en sécurité. « Les principaux éléments structurants du cheminement sont visuellement repérables et détectables à la canne blanche ou au pied par les personnes ayant une déficience visuelle. » Vous conviendrez que ce n’est pas souvent le cas.
Pour atteindre cet objectif, le revêtement du cheminement accessible doit présenter un contraste visuel et tactile avec celui des espaces adjacents. Ce contraste peut être obtenu par une différence de texture et de couleur. Par exemple, un cheminement en béton ou en enrobé entre deux bandes végétalisées fonctionne très bien. On peut aussi envisager l’utilisation de pavés pour délimiter le cheminement mais attention au contraste visuel et tactile qui n’est pas toujours satisfaisant. Si le terrain s’y prête, on peut également suggérer des bordures, des murets ou des barrières, qui, en plus de servir de repère, pourront procurer un appui ou une assise aux personnes à mobilité réduite. Le revêtement du cheminement accessible ne doit pas être réfléchissant, car ceci peut être source d’éblouissement en cas de forte luminosité.
A défaut d’un cheminement naturellement repérable, une bande podotactile de guidage doit être installée.
À quoi servent les bandes de guidage ?
La bande de guidage tactile au sol sert de repère visuel et tactile pour les personnes déficientes visuelles mais aussi toutes les personnes ayant des difficultés d’orientation. Elle permet de conserver un axe de déplacement et traverser un espace vaste sans dévier de sa trajectoire. Elle doit être suffisamment large pour être facilement détectée au pied ou à l’aide d’une canne de locomotion. Elle doit également présenter un contraste visuel fort avec son environnement immédiat pour être repérée par les personnes malvoyantes. Une bande de guidage est constituée de nervures en relief positif orientées dans le sens du cheminement. On parle parfois de rails de guidage.
La norme NF P98-352 sert de référence. Dans les espaces extérieurs des établissements recevant du public, les bandes de guidage doivent respecter les caractéristiques suivantes :
- Elles doivent être constituées de 4 nervures en relief. Si elles ne comportent que 3 nervures, elles doivent alors être implantées en double, avec un espace de 37 à 50 cm entre elles, à la manière d’un couloir de guidage.
- Les bandes de guidage à 4 nervures doivent avoir une largeur minimale de 21 cm. Celle-ci est réduite à 15 cm pour les bandes de guidage à 3 nervures.
- Pour assurer la continuité, les modules de guidage doivent avoir une longueur minimum de 40 cm.
- Pour que la bande de guidage soit bien détectable sans représenter un obstacle pour les autres usagers, la hauteur des nervures en relief doit être comprise entre 5 et 5,5 mm.
- Les nervures en relief peuvent être directement fixées au sol ou reliées entre elles par une semelle.
- Si la bande de guidage comporte une semelle, cette dernière doit avoir une épaisseur maximale de 3 mm, fixation comprise.
Pour faciliter la lisibilité de l’espace et le repérage du cheminement accessible, il est recommandé de ne pas multiplier les bandes de guidage dans tous les sens. Cependant, si plusieurs cheminements doivent être indiqués, il faudra traiter les intersections. Deux solutions sont alors préconisées selon l’implantation des bandes de guidage :
- Si le cheminement est marqué par une simple bande de guidage, il suffit de l’interrompre sur une distance de 70 cm. L’interruption de la bande amène à s’arrêter pour rechercher des informations, ce qui contribue à la détection des différentes directions possibles.
- Si le cheminement est marqué par un couloir de guidage, avec une bande de chaque côté, il est alors plutôt recommandé de remplir l’espace entre les deux bandes pour signaler l’intersection.
Comment savoir quand des bandes de guidage se croisent ?
Une signalétique adaptée sur les cheminements extérieurs
La réglementation accessibilité impose l’installation d’une signalétique adaptée aux différents handicaps à l’entrée du terrain et à chaque fois qu’un choix d’itinéraire est possible.
L’annexe 3 de l’arrêté du 8 décembre 2014 décrit ce qu’est une signalétique adaptée aux différents handicaps au sens réglementaire. Seules les informations permanentes à destination des visiteurs sont concernées. Celles-ci doivent pouvoir être « reçues et interprétées par un visiteur handicapé. » Elles doivent constituer une chaîne d’information sans rupture tout au long du cheminement et doivent être à la fois visibles, lisibles et compréhensibles par tous.
Plus concrètement, les supports d’information doivent :
- Être de couleur contrastée par rapport à leur environnement immédiat,
- Se situer à une hauteur qui permet la lecture aussi bien en position debout qu’en position assise,
- Être constitués de matériaux non réfléchissants mais aussi être positionnés et orientés de manière à éviter les effets d’éblouissement ou de contrejour, de jour comme de nuit,
- Être situés dans un espace libre de tout obstacle pour permettre à une personne malvoyante de s’en approcher, sauf pour les supports d’information situés à plus de 2,20 m.
Les informations fournies sur ces supports doivent :
- Présenter un contraste visuel fort par rapport au support, par exemple blanc sur noir, bleu marine, marron, bordeaux ou vert foncé,
- Utiliser des caractères d’une hauteur minimale de 15 mm s’il s’agit d’informations d’orientation et 4,5 mm dans les autres cas,
- Utiliser des icônes ou des pictogrammes pour doubler l’information écrite,
- Utiliser un code couleur homogène et cohérent tout au long du cheminement.
Une protection contre les risques de choc
Les obstacles peuvent gêner la progression des personnes aveugles ou malvoyantes, mais aussi parfois causer des accidents.
Ainsi, le cheminement accessible doit être libre de tout obstacle. Les trous ou les fentes, nécessaires notamment pour l’écoulement des eaux, doivent avoir une largeur ou un diamètre inférieurs à 2 cm. Ceci évite que les embouts de canne restent coincés dedans.
Si certains obstacles ne peuvent pas être écartés du cheminement accessible, ils doivent être facilement repérables par un contraste visuel fort et protégés de manière à éviter les chocs. A moins qu’ils soient suspendus à plus de 2,20 m du sol, tous les obstacles situés sur le cheminement sont concernés, de même que ceux situés en bordure du cheminement mais qui dépassent de plus de 15 cm.
Pour être facilement détectés par les utilisateurs d’une canne blanche, les obstacles qui dépassent sur le cheminement doivent avoir un prolongement au sol ou un rappel tactile. Cette exigence concerne par exemple les panneaux sur un pied unique.
Pour les obstacles en hauteur comme les dessous d’escaliers, un dispositif de détection doit être installer dans la zone de balayage d’une canne blanche, à savoir à moins de 40 cm du sol. Ce dispositif de détection doit être visuellement contrasté, mais aussi avoir des angles arrondis et surtout pas d’arrêtes vives qui pourraient le rendre blessant. La partie inférieure de l’escalier doit aussi être contrastée et protégée en dessous de 2,20 m.
Si des travaux ont lieu sur le cheminement extérieur et que des bornes ou des poteaux sont installés, ceux-ci doivent être facilement repérables par les personnes malvoyantes et détectables par les utilisateurs d’une canne blanche. Pour cela, ils doivent respecter certaines dimensions. Leur hauteur ne peut pas être inférieure à 50 cm. Et dans ce cas, ils doivent avoir une forme pleine, sans creux ni rétrécissement, et mesurer au minimum 28 cm de côté ou de diamètre. Ensuite, la hauteur minimale autorisée pour les bornes et poteaux dépend de leur épaisseur. Si un poteau ne mesure que 6 cm de côté ou de diamètre, sa hauteur doit être au minimum de 1,10 m. Et si la forme se rétrécit vert le haut, un contraste visuel doit être appliqué au sommet.
Les parois vitrées représentent aussi un risque de se cogner pour les personnes malvoyantes. Quand elles sont situées le long du cheminement ou sur celui-ci, elles doivent donc être rendues visibles par des éléments contrastés. Ces éléments doivent être visibles de chaque côté et quelles que soient les conditions de luminosité. On recommande alors des motifs bicolores associant une couleur claire et une couleur sombre. Ces éléments doivent être installés à des hauteurs différentes pour entrer dans le champ de vision des personnes de toute taille, à minima à 1,10 m et 1,60 m.
Que dit la réglementation accessibilité sur la signalisation des vitres ?
Une protection contre les risques de chute
Si le cheminement accessible passe à proximité d’une grosse marche ou d’une pente raide descendantes, le responsable du site doit prévoir un dispositif pour alerter, voire bloquer les personnes qui s’aventureraient trop loin afin de leur éviter la chute.
Cette mesure concerne tous les risques de chute présents à moins de 90 cm du cheminement accessible. Si la différence de niveau est de 25 à 40 cm, un simple dispositif d’alerte comme une bande d’éveil de vigilance suffit. En revanche, si la différence de niveau est supérieure à 40 cm, il faut impérativement prévoir un dispositif physique comme un parapet ou une barrière.
Les escaliers situés sur les cheminements extérieurs
Etant donné que le cheminement accessible doit être le même pour tous les visiteurs, il ne devrait en principe pas comporter d’escaliers mais des plans inclinés franchissables par les utilisateurs de fauteuil roulant. Cependant, il arrive souvent que les deux solutions cohabitent. Si un escalier se situe sur le cheminement accessible, il doit répondre à certaines exigences pour améliorer sa visibilité et sa sécurité, quel que soit le nombre de marches et même s’il est doublé par un plan incliné, une rampe ou un élévateur.
Ces exigences sont les suivantes :
- Comporter une bande podotactile d’éveil de vigilance en haut de l’escalier et sur chaque palier intermédiaire, installée à une distance de 28 à 50 cm du rebord de la marche,
- Comporter une contremarche contrastée sur une hauteur de 10 cm sur la première et la dernière marche de chaque volée,
- Comporter des nez de marche visuellement contrastés et antidérapants sur chacune des marches,
Si l’escalier comprend 3 marches ou plus, il doit également comporter une main courante de chaque côté. Cette main courante doit :
- Avoir une hauteur comprise entre 80 cm et 1 m,
- Se prolonger horizontalement de la longueur d’une marche en haut et en bas de l’escalier,
- Être continue, rigide et préhensible,
- Être visuellement contrastée par rapport à son environnement immédiat.
Les traversées piétonnes situées sur les cheminements extérieurs
Si le cheminement accessible croise un itinéraire emprunté par des véhicules, le croisement doit être traité comme une traversée piétonne classique. Ceci implique l’installation de bandes d’éveil de vigilance de part et d’autre de la traversée pour indiquer aux piétons la présence d’un danger. Le marquage d’un passage piéton et l’installation de panneaux de signalisation sont également obligatoires pour alerter les conducteurs qu’ils croisent un cheminement piéton. La co-visibilité doit bien sûr être respectée. Il faut donc veiller à ce que rien ne masque l’arrivée des piétons ou des véhicules, ni mur, ni panneau, ni végétaux. Le cas échéant, des miroirs peuvent être installés pour étendre le champ de vision.
Enfin, si des feux de signalisation sont prévus pour les piétons, ils doivent être équipés de modules sonores conformes à la norme NF S32-002. Les feux sonores doivent restituer fidèlement les phases lumineuses (rouge et vert). Ils peuvent être déclenchés par une télécommande normalisée ou un bouton poussoir de couleur contrastée et facile à actionner.
Pour aller plus loin vers la qualité d’usage sur les cheminements extérieurs
Je vous ai énuméré jusqu’ici toutes les exigences réglementaires que les responsables d’établissements recevant du public doivent respecter pour rendre leurs cheminements extérieurs accessibles aux personnes déficientes visuelles. Cocher toutes ces cases leur permet d’obtenir leur attestation d’accessibilité. Cependant, vous en conviendrez certainement, ces exigences ne sont pas suffisantes pour qu’une personne aveugle ou très malvoyante puisse accéder en toute autonomie dans un établissement qu’elle ne connaît pas. Il existe plusieurs solutions que vous pouvez suggérer en complément si vous êtes face à un responsable soucieux de la qualité d’accueil de ses visiteurs. Ces solutions peuvent aussi être suggérées en remplacement d’autres solutions trop coûteuses ou techniquement difficiles à mettre en place. C’est ce qu’on appelle les « solutions d’effet équivalent », une possibilité offerte par l’arrêté du 8 décembre 2014 pour apporter plus de souplesse à la réglementation accessibilité. Voici quelques exemples de solutions qui ont fait leurs preuves.
Des balises sonores pour compléter la signalétique visuelle et le guidage au sol
L’utilisation de balises sonores activables par la télécommande des feux permet de fournir des informations d’orientation aux personnes qui ne peuvent pas lire la signalétique visuelle. On peut donc en installer au niveau de l’accès au terrain, à chaque choix d’itinéraire et à l’entrée principale du bâtiment.
Les balises sonores peuvent aussi être acceptées comme solution d’effet équivalent pour remplacer un guidage podotactile lorsque celui-ci ne peut pas être installé en raison par exemple de la nature du sol.
Des plans tactiles et contrastés pour se représenter l’espace
Même si on recommande par souci de simplicité de n’indiquer qu’un seul cheminement pour tous, la réalité du terrain est souvent différente. Il est fréquent que le terrain comporte plusieurs accès et qu’il soit nécessaire d’orienter les visiteurs vers différents bâtiments, comportant eux-mêmes plusieurs entrées. Dans ce cas, des plans simplifiés, visuellement contrastés et tracés en relief, peuvent être d’un grand secours pour que chacun puisse se représenter l’espace. Pour être compris par le plus grand nombre, il est nécessaire que ces plans soient accompagnés d’une description audio activable par des boutons poussoirs ou disponible en ligne en flashant un QR code avec son smartphone.
Une application de guidage
A moins qu’ils soient très étendus, les abords des établissements recevant du public sont rarement cartographiés dans les applications GPS que nous avons l’habitude d’utiliser sur nos smartphones. Cependant, il existe désormais des applications de guidage comme l’application Evelity, qui proposent un guidage pas à pas à l’intérieur des bâtiments mais aussi à leurs abords. Là encore, ce peut être une solution d’effet équivalent là où les solutions décrites dans la réglementation ne s’avèrent pas applicables.
Vous avez maintenant tous les éléments pour savoir précisément ce que vous devez vérifier concernant l’accessibilité des cheminements extérieurs aux personnes déficientes visuelles lors de vos visites d’ERP. N’hésitez pas à exprimer vos besoins spécifiques aux responsables d’établissements, à proposer des améliorations et à sensibiliser à l’importance de l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap visuel. Il en va de notre autonomie et de notre sécurité de déplacement.
D’autres articles vont suivre concernant l’intérieur des ERP suivant la chaîne du déplacement. J’envisage également de faire une synthèse de ces articles sous forme de fiches pratiques. N’hésitez pas à me dire en commentaire quelle serait pour vous la forme la plus utile : un formulaire en ligne, un fichier Word ou Google Docs, un autre format ?
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