Se repérer dans un lieu inconnu est toujours un défi quand on a un handicap visuel. Parmi la panoplie des dispositifs d’accessibilité qui peuvent faciliter notre orientation, les plans tactiles ou multisensoriels sont souvent oubliés. Ceux-ci jouent cependant un rôle essentiel dans la représentation mentale des lieux complexes et permettent ainsi de s’y déplacer beaucoup plus sereinement. Quelles sont les différentes sortes de plans tactiles ? Comment les repérer et les utiliser ? Quels conseils donner pour leur implantation ? Dans cet article, je vous invite à explorer ce sujet en profondeur. Et bien sûr, vos avis et expériences sont toujours les bienvenus en commentaire !
Qu’est-ce qu’un plan tactile et à quoi ça sert ?
Un plan tactile est une représentation en relief d’un espace, accessible au toucher. Il peut être conçu en divers matériaux (plastique, métal, bois) et inclut souvent des éléments en braille et en gros caractères pour faciliter l’identification des zones clés. Ces plans permettent aux personnes déficientes visuelles de se représenter mentalement un lieu et de préparer leurs déplacements de manière autonome. On distingue plusieurs types de plans tactiles :
- Les plans d’orientation générale, situés à l’entrée des bâtiments ou dans les espaces publics,
- Les plans de circulation, détaillant les cheminements accessibles,
- Les plans en relief sur papier, consultables en amont d’une visite et transportables avec soi,
- Les maquettes en volume, qui offrent une vision plus concrète des lieux et de leur architecture.
Lorsque les plans tactiles comportent des indications sonores ou multimédia en complément, on parle alors de « plans multisensoriels ».
Se représenter la ville grâce aux plans tactiles et maquettes en extérieur
Comprendre la structure d’une ville ou d’un quartier est essentiel pour y trouver ses repères. Même si les maquettes et plans tactiles n’offrent pas une représentation fine rue par rue, ils aident à situer les principaux points de repère comme les cours d’eau, les collines, les monuments emblématiques et les artères principales. Ces dispositifs offrent donc une vision d’ensemble, permettant aux personnes déficientes visuelles de se construire une image mentale des lieux et d’anticiper leurs déplacements.
Plusieurs villes ont mis en place des solutions tactiles pour favoriser l’accessibilité de leurs espaces publics. À Lyon, par exemple, la sculpture « Regard sur la ville », installée sur l’esplanade de Fourvière, propose une représentation tactile du centre-ville, mettant en relief le Rhône et la Saône, les collines et les principaux édifices de la ville. À Bordeaux, des plans tactiles sont disponibles pour les quatre quartiers historiques, permettant aux visiteurs de mieux appréhender la disposition du centre ancien, avec ses rues sinueuses et ses bâtiments remarquables.
D’autres villes européennes, comme Turin, Florence ou encore Valence, ont également adopté ces outils pour rendre leur patrimoine plus accessible. Ces maquettes permettent aux visiteurs de découvrir la topographie des lieux, en identifiant les éléments clés tels que les places principales, les fleuves et les monuments incontournables.
En France, des sites touristiques de premier plan, comme le Mont Saint-Michel ou les Arènes de Nîmes, proposent également des maquettes tactiles détaillant la structure du monument et son environnement immédiat. Ces dispositifs offrent aux visiteurs une meilleure compréhension des aspects architecturaux, de l’organisation spatiale du site et de ses abords, leur permettant ainsi de mieux s’orienter et de profiter pleinement de la visite.
Se repérer dans les bâtiments grâce aux plans tactiles en intérieur
Généralement situés à proximité de l’accueil physique, les plans tactiles en intérieur facilitent l’orientation des visiteurs déficients visuels en permettant de mieux comprendre la disposition des lieux, d’identifier les accès principaux, les escaliers, les ascenseurs, ainsi que les différentes salles et services disponibles. Cependant, s’approprier un plan tactile demande du temps et de la concentration. C’est pourquoi ces dispositifs sont souvent sous-utilisés dans des lieux que l’on visite de manière occasionnelle. En revanche, ils sont d’une aide précieuse dans des espaces que l’on est amené à fréquenter régulièrement, comme les gares et pôles d’échange, les universités, les écoles, les lycées, ou encore les locaux de travail. Ils présentent l’avantage d’être immédiatement disponibles sur place. Par ailleurs, leur présence dans l’environnement réel facilite l’orientation en offrant une correspondance directe avec l’espace. Leurs grandes dimensions assurent aussi une représentation plus globale. Malheureusement, leur présence y reste encore trop rare.
Certains lieux culturels et administratifs ont cependant fait le choix d’installer des plans tactiles pour améliorer l’accessibilité de leurs espaces. À Paris, plusieurs exemples illustrent cette volonté, comme la Philharmonie de Paris, l’Hôtel de Ville, la Fondation Louis Vuitton, ainsi que l’Office de Tourisme, qui propose un plan tactile au point d’accueil. Toujours à Paris, le musée du Quai Branly et le musée Bourdelle offrent des dispositifs similaires pour permettre aux visiteurs déficients visuels de mieux appréhender l’organisation des espaces et la richesse des collections.
D’autres établissements en région suivent cette dynamique, comme l’Hôtel de Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui facilite l’accès aux différentes zones de ses locaux, ou encore la Fondation LUMA à Arles, qui propose une approche multisensorielle de son espace architectural. Le musée du Louvre-Lens, quant à lui, a intégré des plans tactiles pour permettre aux visiteurs de se repérer dans cet espace culturel moderne.
Lorsque l’architecture du lieu revêt une importance particulière, comme dans les musées et monuments, les maquettes en 3D sont des outils très appréciables pour donner une vision globale et tactile du bâtiment. Elles permettent de mieux comprendre l’organisation spatiale, l’histoire et les caractéristiques architecturales du site, améliorant ainsi l’expérience de visite des personnes déficientes visuelles. On peut citer en exemple le Château de Blois et le Centre Pompidou à Paris, mais il y en a bien d’autres encore.
Les règles d’or pour la conception, l’installation et l’entretien
Pour garantir une accessibilité optimale, la conception et l’installation des plans tactiles doivent respecter plusieurs précautions essentielles. Tout d’abord, le plan tactile doit être facilement repérable par une personne aveugle ou malvoyante grâce à l’installation de dispositifs complémentaires tels qu’une balise sonore, un fort contraste visuel, et éventuellement une bande de guidage au sol permettant de le localiser en toute autonomie. Concernant ses dimensions, le plan ne doit pas être trop grand afin de faciliter une représentation mentale globale du lieu. Il est essentiel que les utilisateurs puissent toucher ses deux extrémités simultanément pour une meilleure compréhension de l’espace représenté.
Une légende claire et lisible est indispensable pour assurer une compréhension optimale du plan. Celle-ci doit être accessible en braille, mais aussi en gros caractères contrastés, pour répondre aux besoins des personnes malvoyantes. L’harmonisation des symboles et pictogrammes est également essentielle afin de garantir une lecture intuitive et une cohérence entre différents lieux.
L’ergonomie du support est également un critère fondamental. Le plan doit être posé sur un support incliné, assurant un confort de consultation aussi bien pour une personne debout que pour une personne en fauteuil roulant. Une lecture verticale est à proscrire, car elle rend l’exploration tactile difficile, voire impossible.
L’hygiène est un aspect souvent négligé mais incontournable, car les plans tactiles sont manipulés par un grand nombre de personnes. Il est donc essentiel d’assurer un nettoyage régulier, notamment dans les lieux à forte fréquentation, afin de limiter la propagation des germes et d’assurer un usage confortable pour tous. Le choix de matériaux faciles à entretenir, résistants aux produits de nettoyage, est également recommandé.
En outre, d’autres aspects doivent également être pris en compte, comme la durabilité des matériaux, qui doivent être résistants aux intempéries et aux manipulations fréquentes, en particulier pour les installations en extérieur. Un entretien régulier est indispensable pour garantir la lisibilité des reliefs et des inscriptions en braille. Enfin, il est essentiel de bien réfléchir à l’emplacement stratégique du plan tactile, en le positionnant à des endroits clés tels que les entrées principales ou les points de convergence des flux de circulation pour qu’il soit réellement utile aux usagers.
Des plans relief sur support papier pour plus de flexibilité
Les plans tactiles sur support papier offrent une solution alternative, pratique et accessible pour les personnes déficientes visuelles. Leur principal avantage réside dans leur coût réduit et leur facilité de production. Contrairement aux plans fixes installés dans les lieux publics, ces plans sont conçus pour être transportés, permettant ainsi aux utilisateurs de les consulter chez eux pour préparer un déplacement ou de les emporter avec eux pour s’orienter en chemin. Ils constituent ainsi un complément précieux aux autres dispositifs d’accessibilité.
De nombreuses villes ont pris l’initiative de proposer ces plans dans leurs offices de tourisme. Par exemple, l’office du tourisme de Saint-Aubin-sur-Mer, dans le Calvados, propose un plan en relief thermogonflé, tout comme les offices d’Aix-en-Provence, Angers, l’Île de Ré ou encore La Rochelle, permettant aux visiteurs déficients visuels de mieux appréhender l’environnement touristique local.
Dans certaines grandes villes comme Toulouse, des dispositifs plus complets sont mis à disposition, à l’image de l’Atlas de la ville en braille, qui se décline en deux volumes regroupant des cartes détaillées et une légende explicative. Cet atlas inclut des éléments essentiels comme la carte de l’agglomération, les lignes de métro et de tramway, ainsi que la division de la ville en six secteurs avec les principaux points d’intérêt, places et voies principales.
La ville de Bordeaux propose également son guide tactile et sonore « Bordeaux au bout des doigts », disponible au Musée d’Aquitaine et à l’Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux. Le guide présente un plan de la ville, ainsi que des représentations et descriptions des principaux monuments. Métropole
Au-delà des villes, certaines régions ont également produit des atlas visuo-tactiles plus vastes. L’Atlas de la Région Midi-Pyrénées (devenue Occitanie), par exemple, offre une représentation tactile du découpage administratif, des villes principales, des fleuves, montagnes et autres points d’intérêt majeurs. De même, l’Atlas des transports de la région Île-de-France réalisé par l’Institut Ville en Mouvement propose une cartographie adaptée aux besoins des personnes aveugles ou malvoyantes. Ce type de document est particulièrement utile pour les habitants et visiteurs souhaitant avoir une vue d’ensemble de la région et planifier leurs trajets de manière autonome.
À l’international, des cartes tactiles sont également disponibles pour des destinations populaires. L’Atlas du Royaume-Uni comprend des plans de la ville de Londres, avec des indications détaillées sur les axes principaux et les sites touristiques incontournables. Enfin, pour les voyageurs se rendant en Espagne, un atlas des rues de Madrid permet une exploration plus autonome de la capitale.
Ces supports papier, bien que pratiques et facilement accessibles, ne remplacent pas les plans fixes. Ils en sont le parfait complément. Ils permettent en particulier de préparer un déplacement en amont, à condition d’être disponibles par correspondance, et peuvent offrir une visualisation plus détaillée d’un certain secteur.
Les cartes et plans tactiles dans le cadre pédagogique
Afin de pouvoir profiter des vertus des plans tactiles pour gagner en autonomie à l’âge adulte, il est essentiel d’apprendre à les lire dès le plus jeune âge. La lecture tactile, tout comme la lecture en braille, nécessite un apprentissage progressif afin de comprendre les échelles, les symboles et l’organisation spatiale des plans. Pour les personnes ayant perdu la vue dans l’enfance, l’apprentissage de la géographie repose sur des supports pédagogiques adaptés qui permettent de développer des compétences essentielles à l’orientation et à la représentation mentale de l’espace.
Plusieurs organismes spécialisés proposent des cartes tactiles éducatives, conçues pour faciliter cet apprentissage. L’association Valentin Haüy, la RNIB (Royal National Institute of Blind People), l’INLB (Institut Nazareth et Louis-Braille), l’ONCE (Organización Nacional de Ciegos Españoles), la Fondation Dorina Nowill au Brésil et la National Braille Press aux États-Unis figurent parmi les institutions proposant des cartes géographiques en relief adaptées aux enfants et aux adultes déficients visuels. Ces supports incluent des éléments en braille, des repères tactiles en relief et des codes couleurs adaptés pour les personnes malvoyantes.
Ces supports pédagogiques ne se limitent pas aux cartes géographiques des pays ou continents. Certains atlas spécialisés, comme ceux proposés par la National Braille Press, abordent des thématiques variées telles que l’anatomie humaine, la cartographie des systèmes météorologiques ou encore les plans de grandes villes, permettant ainsi une meilleure compréhension du monde qui nous entoure.
Toutefois, l’accès à ces supports reste limité, et les familles ou institutions éducatives doivent souvent faire face à des coûts élevés ou à des délais de production importants. Il est donc incontournable de favoriser la production et la diffusion de ces outils dans les écoles et les centres spécialisés pour permettre à chaque enfant déficient visuel de bénéficier d’un apprentissage adapté et complet.
L’apprentissage de la lecture tactile de plans et de cartes ne se fait pas uniquement en milieu scolaire. D’ailleurs, paradoxalement, le principe d’inclusion scolaire introduit par la loi du 11 février 2005, prive souvent les enfants aveugles ou malvoyants d’accès à des outils pédagogiques adaptés. Des activités de loisirs, comme les jeux tactiles de découverte des continents ou les maquettes éducatives, contribuent également à développer ces compétences de manière ludique et progressive.
En conclusion, les plans tactiles sont bien plus que de simples supports d’orientation : ils constituent une véritable passerelle vers l’autonomie pour les personnes déficientes visuelles. Qu’ils soient installés en extérieur pour aider à la découverte d’une ville, dans des bâtiments publics pour faciliter les déplacements ou encore disponibles sur papier pour préparer un trajet en amont, ils apportent une précieuse aide au repérage spatial.
Toutefois, leur conception et leur installation nécessitent une approche réfléchie. Un plan tactile doit être facilement repérable, lisible en braille et en gros caractères contrastés, et proposer une légende claire et harmonisée. Il doit aussi être incliné pour un confort de lecture optimal et régulièrement entretenu, tant pour la lisibilité que pour l’hygiène. Malheureusement, ces dispositifs restent encore trop rares dans les lieux du quotidien, notamment dans les transports, écoles, universités et espaces de travail, où leur présence faciliterait pourtant grandement l’accessibilité.
En complément, d’autres dispositifs comme les balises sonores, les bandes de guidage et la signalétique adaptée viennent renforcer l’efficacité des plans tactiles, garantissant une accessibilité complète aux lieux publics. Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, il est essentiel de militer pour leur généralisation et leur bonne conception.
Et vous, avez-vous déjà utilisé un plan tactile ? Quels sont ceux qui vous ont été les plus utiles ? N’hésitez pas à partagez votre expérience en commentaire !
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