On est bien d’accord, on va sans doute plus souvent au supermarché qu’au musée. Mais tout comme on a besoin de nourriture pour le corps, la découverte, la connaissance et la culture sont essentielles pour nourrir l’esprit et s’ouvrir au monde. L’accessibilité des musées, notamment pour les personnes aveugles ou malvoyantes, est un sujet qui prend de plus en plus d’importance. Depuis la loi du 11 février 2005, qui a instauré l’obligation d’une accessibilité universelle, les musées français ont fait des progrès notables, même si le chemin reste encore long. Dans cet article, je vous invite à explorer les enjeux de cette accessibilité, les solutions mises en place aujourd’hui et les perspectives pour l’avenir. Et comme toujours, vos avis et commentaires sont les bienvenus !
Pourquoi l’accessibilité des musées aux personnes déficientes visuelles est importante ?
Les musées, ce ne sont plus seulement des lieux où on se promène entre des vieux objets et des tableaux poussiéreux. Aujourd’hui, ce sont de plus en plus de véritables espaces d’apprentissages et de découvertes, où chacun peut explorer la culture de manière ludique et interactive. Une enquête de la Fondation Malakoff Humanis Handicap menée auprès de 860 personnes handicapées ou aidants révèle que 83% des personnes handicapées fréquentent les musées. Pour les personnes avec un handicap visuel comme pour les autres, accéder aux musées est un moyen de s’instruire, de se divertir, en tout cas de vivre une expérience enrichissante qui change du quotidien.
L’accessibilité des musées s’adresse à tous les publics, qu’ils soient en situation de handicap physique, sensoriel, cognitif ou mental, francophones ou non, jeunes ou plus âgés, savants ou néophytes. Pour les personnes déficientes visuelles, par exemple, l’enjeu est de pouvoir découvrir l’art, l’histoire ou la science autrement que par la vue, de trouver des moyens de toucher, d’écouter et d’interagir avec les collections.
Mais l’accessibilité des musées ne profite pas seulement aux personnes ayant un handicap, elle apporte aussi de vrais bénéfices aux autres publics. Prenons l’exemple des enfants, qui ont cette soif naturelle de toucher. Pourquoi ne pas leur permettre de profiter des supports tactiles, pour une fois ? Que ce soit lors de visites scolaires ou familiales, ces outils sont particulièrement précieux pour eux. En effet, chez les enfants, le toucher prime souvent sur la vue. Des expériences menées dans les musées montrent qu’une visite où les enfants sont invités à toucher des outils et des matériaux utilisés par les artistes est bien plus suivie et mémorisée que si on se contentait de leur montrer les objets. Les amener à toucher les œuvres les aide non seulement à mieux les comprendre, mais aussi à mieux s’en souvenir, tout en rendant la découverte encore plus amusante et interactive.
Une enquête menée au Château des Ducs de Bretagne à Nantes montre par ailleurs que les visiteurs passent en moyenne 25% de temps en plus devant les outils de médiation inclusifs que lorsqu’ils sont seulement visuels. Rendre les expositions accessibles et inclusives répond donc sans aucun doute à l’enjeu d’attractivité des musées.
Les obstacles rencontrés pour l’accessibilité des musées
Vous le savez aussi bien que moi, la visite d’un musée comporte de nombreux obstacles quand on a un handicap visuel. Parmi eux, on peut citer :
- Le manque d’information : Même si des effort sont réalisés pour l’accessibilité des musées, il est difficile de trouver des renseignements clairs sur l’offre accessible, que ce soit sur le site web de l’établissement ou en s’adressant au personnel d’accueil.
- La signalétique inadaptée : Un des plus grands défis reste la signalétique multisensorielle. Les musées disposent rarement de bandes de guidage, balises sonores ou systèmes de guidage pour s’orienter aux abords et à l’intérieur des bâtiments.
- L’accès aux collections : Les objets des collections permanentes et expositions temporaires sont généralement conçues pour être regardés. Bien souvent, ils sont même bien mis à l’abri sous vitrine et interdits au toucher pour des raisons de conservation. Les audioguides et reproductions tactiles manquent à l’appel.
- Les outils numériques inadaptés : Bien que de nombreux musées proposent des applications ou des audioguides pour enrichir l’expérience, ces outils ne sont pas toujours optimisés pour les personnes ayant un handicap visuel.
Les bonnes pratiques des musées pour l’accessibilité
On peut le reconnaitre, la culture a pris un peu d’avance sur d’autres secteurs quand il s’agit de rendre les lieux accessibles, même si ça n’a pas été sans quelques faux pas. Il y a aussi eu de belles réussites ! De plus en plus de musées se retroussent les manches pour repenser leur organisation et intégrer l’accessibilité pour tous. Ce n’est pas qu’une question de rendre les bâtiments conformes aux normes d’accessibilité, mais aussi de créer des outils de médiation adaptés, de rendre l’information disponible et surtout, de former le personnel pour qu’il soit prêt à accueillir tout le monde dans les meilleures conditions. Voici quelques exemples de musées qui méritent le détour. N’hésitez pas à en citer d’autres en commentaire, ça peut servir à tout le monde !
Le Château des Ducs de Bretagne
Le Château des ducs de Bretagne à Nantes est un excellent exemple d’accessibilité pour les personnes ayant un handicap visuel. Le musée propose un parcours tactile et audioguidé. Ce parcours inclut 63 points d’écoute qui fournissent des descriptions détaillées des salles et des thèmes abordés. Des cartes en relief et en gros caractères sont également mises à disposition, ainsi que des audiodescriptions pour une meilleure compréhension des œuvres et des objets exposés. Des tables tactiles et des objets à toucher sont intégrés dans plusieurs salles. Bien que la visite soit relativement autonome, la présence d’un accompagnateur est nécessaire pour s’orienter dans les salles du château et repérer les dispositifs accessibles. Cela dit, et c’est suffisamment rare pour être souligné, en s’y prenant un peu à l’avance, il est possible de bénéficier d’une visite personnalisée avec un médiateur.
Le musée Bourdelle
Le musée Bourdelle à Paris offre aussi une expérience intéressante pour les personnes déficientes visuelles, notamment grâce à la possibilité de toucher des sculptures originales d’Antoine Bourdelle. Cette démarche est assez rare en France, où on doit souvent se contenter, quand elles existent, de reproductions en plâtre ou en résine.
Le musée du Louvre
Le musée du Louvre à Paris a mis en place plusieurs initiatives pour améliorer l’accessibilité des personnes en situation de handicap visuel. Un accompagnement est proposé depuis la station de métro la plus proche, le parking du Carrousel ou le dépose-minute jusqu’au musée. Des visites guidées descriptives et tactiles sont régulièrement proposées, et des dispositifs tactiles sont disponibles dans des espaces tels que le Louvre Médiéval, les Arts de l’Islam, l’espace de découverte de la sculpture, la salle des Verres et la galerie Campana. Des parcours adaptés pour une visite en toute autonomie sont également proposés.
Le musée de l’Homme
Le Musée de l’Homme est lui aussi assez exemplaire. En collaboration avec Tactile Studio, le musée a développé un parcours sensoriel composé de 21 stations tactiles, permettant aux visiteurs de suivre l’histoire d’une famille imaginaire grâce à un commentaire audio. Ce parcours inclut des sculptures représentant les effets du vieillissement, le patrimoine génétique humain, le cycle de vie humain, ainsi que des objets façonnés par l’homme, tels qu’un silex, une pointe de flèche ou un lanceur, accompagnés de descriptions audio détaillées. Des visites guidées adaptées sont proposées aux groupes de personnes en situation de handicap visuel, sur réservation préalable. De plus, le musée s’associe aux « Souffleurs d’Images », permettant aux visiteurs déficients visuels d’être accompagnés par un bénévole qui leur décrit les éléments des expositions. Le musée est équipé de balises sonores pour repérer l’entrée et les principaux espaces. Il est également possible de se faire accompagner depuis la station de métro la plus proche en prévenant à l’avance.
Cet article serait bien trop long si je vous détaillais tous les dispositifs mis en place ne serait-ce que dans les musées de France. Je vais donc me limiter à vous donner d’autres exemples et vous invite à vous documenter en allant consulter les sites web des musées ou en les contactant par téléphone : la Philharmonie de Paris, la Cité des Sciences et de l’Industrie, le Parc de la Villette, le musée Camille Claudel, le musée d’Orsay, le musée Carnavalet, le musée de la Monnaie de Paris, le MUCEM à Marseille, l’Aventure Michelin à Clermont-Ferrand, la Cité de l’Espace à Toulouse, etc.
Une de mes sources d’information préférée sur le sujet est la rubrique « Culture et loisirs » du site HandicapZéro. Je vous la recommande vivement. J’ai cité ici beaucoup d’exemples de musées parisiens mais il existe des musées accessibles partout en France, parfois même dans des petites villes ou village à l’image des musées de l’Ain.
Récapitulons les fondamentaux de l’accessibilité des musées
On ne le rappellera jamais assez : l’accessibilité des musées aux personnes ayant un handicap visuel est une approche globale. Elle passe aussi bien par la mise en accessibilité du bâti et des abords, l’adaptation des contenus et la formation du personnel.
Une signalétique multisensorielle pour mieux guider
Les principales difficultés rencontrées par les personnes malvoyantes ou aveugles se situent souvent au niveau de l’orientation dans l’espace. C’est pourquoi il est essentiel de mettre en place une signalétique multisensorielle : un ensemble de dispositifs visuels, sonores, tactiles et podotactiles qui se complètent pour offrir une meilleure orientation tout au long du parcours. L’entrée du musée, l’accueil et les abords doivent être particulièrement soignés, car il s’agit de l’interface entre l’espace public et le personnel. Pour faciliter cette étape, on peut combiner des bandes de guidage podotactiles avec des balises sonores et un plan tactile du musée. En complément, une application mobile de guidage inclusive peut être une excellente solution pour accompagner la visite à l’intérieur.
Les dispositifs tactiles et multisensoriels
Les dispositifs tactiles sont des solutions efficaces pour permettre aux personnes aveugles ou malvoyantes de « toucher » les collections. Cela peut inclure des maquettes en relief des sculptures, des reproductions d’œuvres en 3D ou des objets à manipuler. Elles sont indissociables de commentaires audio qui apportent une description globale et guident l’exploration tactile. Des éléments olfactifs ou des manipulations interactives complètent avantageusement le dispositif.
L’audiodescription et les audioguides adaptés
L’audiodescription permet de décrire les œuvres à travers des commentaires audio, en détaillant les éléments visuels comme les couleurs, les formes, et les scènes représentées. Il est essentiel que les audioguides et applications mobiles soient conçus pour être facilement utilisables par les personnes déficientes visuelles. Cela passe par des touches bien repérables au toucher, un contraste visuel optimisé, de gros caractères et une compatibilité avec les lecteurs d’écran.
Les visites guidées adaptées
De nombreux musées proposent des visites guidées adaptées, où un médiateur formé guide les visiteurs déficients visuels à travers les expositions, en s’adaptant à leurs besoins spécifiques. Ces visites doivent être proposées à des horaires variés, y compris les week-ends, afin de permettre à un maximum de personnes, y compris celles qui travaillent en semaine, de pouvoir en bénéficier.
L’accès à l’information en amont
Les musées doivent également s’assurer que l’information nécessaire est fournie avant la visite. Des informations claires sur les modes d’accès et les dispositifs dédiées doivent être disponibles sur le site web du musée, qui, cela va sans dire, doit respecter les normes d’accessibilité. Elles doivent aussi être mises à disposition du personnel d’accueil et transmises aux associations locales qui fournissent des services aux personnes déficientes visuelles.
La formation du personnel
Des organismes de formation sont spécialisés dans l’accessibilité et l’accueil des publics avec un handicap, avec parfois en plus une expertise sur le tourisme et la culture. Organiser la formation du personnel à ces questions est essentiel pour assurer une expérience de qualité à tous les visiteurs.
Un petit rappel sur la loi
Parce que la bonne volonté et le bon sens ne suffisent pas toujours, il est parfois utile de s’appuyer sur les textes législatifs.
En France, l’accessibilité des musées aux personnes handicapées est régie par des exigences législatives précises. Faut-il encore citer la loi 2005-102 du 11 février 2005 qui garantit l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ? Par ailleurs, l’article L 111-8 du Code du Patrimoine impose aux musées de l’État de rendre leurs collections et expositions accessibles aux personnes handicapées, en veillant à aménager des espaces adaptés et à organiser des événements culturels accessibles, tout en préservant la conservation du patrimoine. Bien que les musées privés ne soient pas soumis à cette obligation légale, ils sont néanmoins fortement encouragés à appliquer ces principes d’accessibilité pour offrir une expérience inclusive à tous. Par ailleurs, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (article 30) engage la France à garantir l’égalité des droits pour les personnes handicapées, notamment en leur permettant un accès égal à la culture. Cela inclut un accès aux produits culturels dans des formats accessibles, mais aussi aux lieux d’activités culturelles comme les musées, les cinémas, les théâtres, et les bibliothèques. Cette convention renforce l’importance d’une accessibilité universelle et incite à la mise en œuvre d’initiatives concrètes dans les musées et autres institutions culturelles.
En conclusion, l’accessibilité des musées pour les personnes malvoyantes et aveugles n’est plus une option mais une nécessité, et nous voyons qu’une véritable dynamique s’est mise en place pour rendre la culture accessible à tous. Les dispositifs multisensoriels, les audioguides adaptés, les parcours tactiles, ainsi que la formation continue des personnels sont des avancées majeures qui permettent à chacun de vivre une expérience enrichissante et attractive. Si vous avez déjà pu profiter de ces initiatives, n’hésitez pas à les partager en commentaire ! Et si vous êtes particulièrement intéressé par ces enjeux, pourquoi ne pas vous impliquer davantage ? Les commissions d’accessibilité dans les musées et autres lieux culturels ont besoin de personnes engagées pour aider à améliorer les offres existantes et imaginer de nouvelles solutions.
2 Comments
Je suis un peu étonnée de ce que je lis à propos des musées de l’Ain, qui seraient très accessibles:
Dans celui de la résistance à Nantua l’audioguide ne fonctionne pas, car les murs sont trop épais.
A la cuivrerie de Cerdon l’audioguide ne comporte pas de bouton.
Le musée de Brou a 2 ou 3 tableaux reproduits en relief par l’AVH plus les gisants de Marguerite et Philibert et quelques autres petites reproductions, mais le cheminement jusqu’au musée est en projet.
Pour les autres je n’ai pas connaissance de mise en accessibilité.
Avez-vous d’autres informations?
D’avance merci.
Odile GAGET-CLERC
Du bon usage des audioguides, pourquoi je souhaite disposer de l’audio avant ma visite.
Je ne vais jamais seul dans un musée car je veux bénéficier au maximum de toutes les infos disponibles, donc aussi des non accessibles.
Ma visite est l’occasion d’une meilleure connaissance personnelle, mais aussi d’accompagner d’autres personnes dans la découverte qu’elle soient adultes ou non et c’est ainsi un lieu d’échange avec les personnes qui m’accompagnent, ou que j’accompagne, mais aussi avec d’autres visiteurs.
Lorsque des guides audio sont disponibles, j’y recours mais parfois avec réticences pour les raisons que je développe ci-dessous.
– les informations ne sontpas toujours identiques à celles proposées aux voyants,
– il est difficile de synchroniser ma visite à celles des autres membres du groupe pour raisons tenant à la navigation du guide (parcours manuel ou imposé par la prise de contrôle par les bornes émettrices), de la durée nécessaire à l’écoute qui ne correspond pas du tout à ce que les autres font,
– cela ne me rend pas très disponible pour les conversations ou questions échangées dans le groupe, me faisant parfrois ressentir ma visite comme individuelle et non collective,
– évidemment tout ceci lié aux intérêts diversifiés de chacun de nous pour tel ou tel point.
Je ne critique nullement le principe du guide audio mais j’en souhaite une plus grande souplesse d’usage.
Concrètement, je souhaite pouvoir disposer de la totalité du guide en amont afin de pouvoir avoir une idée du détail de l’offre d’info, de préparer ma visite, de définir les sujets qui m’intéressent et, sur place, de recourir à la carte à une écoute détaillée. Je crois avoir ainsi disposer à la fois du travail fait pour l’audioguide, de pouvoir être apte à ne pas être coupé systématiquement de mon groupe de visiteurs et être ainsi disponible pour chacun de ses membres dont, par exemple, des enfants.