Vous êtes habitués à compter les stations sur vos doigts dans le métro en espérant que vous n’aurez pas un moment d’inattention. Vous restez toujours à proximité du chauffeur dès que vous montez dans le bus de peur qu’il n’oublie de vous indiquer votre arrêt. Vous avez toujours une petite hésitation au moment de descendre craignant d’être au mauvais endroit. Tout cela parce que les annonces vocales du prochain arrêt dans les transports en commun ne sont pas encore systématiques. Et pourtant, la réglementation est claire, elles sont obligatoires. Quel que soit le moyen de transport, l’annonce du prochain arrêt doit être disponible sous forme à la fois visuelle et sonore. Aujourd’hui, nous allons explorer comment vous pouvez plaider efficacement pour leur installation dans votre réseau de transport local.
L’accessibilité de la chaîne du déplacement
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, impose dans son article 45 que toutes les étapes de la chaîne du déplacement soient accessibles à toutes les personnes, quel que soit leur handicap :
« La chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. »
Plus loin, l’article précise :
« Tout matériel roulant acquis lors d’un renouvellement de matériel ou à l’occasion de l’extension des réseaux doit être accessible aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. »
Que signifie « accessible » dans ce contexte ? En droit, il existe un principe de hiérarchie des textes. En simplifiant, la loi établit les grandes orientations, les décrets définissent les règles d’application de la loi, et les arrêtés précisent les critères permettant d’atteindre les objectifs fixés par la loi. Pour l’application de l’article 45 de la loi du 11 février 2005, il existe donc des décrets et des arrêtés propres à chaque typologie de transports. On distingue notamment les transports routiers, qui comprennent les bus et les autocars, des transports guidés sur rail, qui comprennent les trams et les métros.
Des généralités pour tous les véhicules de transport public
Les règles d’accessibilité concernant les véhicules de transport en commun sont détaillées dans le décret n°2006-138 du 9 février 2006.
Selon le décret, le matériel roulant des services de transport doit être accessible aux personnes en situation de handicap « dans des conditions d’accès égales à celles des autres catégories d’usagers, avec la plus grande autonomie possible et sans danger. »
La conception et les équipements doivent permettre « De se localiser, de s’orienter et de bénéficier en toute circonstance de l’information nécessaire à l’accomplissement du voyage. »
Plus précisément, concernant les annonces vocales, « toute information délivrée à bord ou nécessaire au bon déroulement du voyage est diffusée sous forme sonore et visuelle et adaptée aux capacités de perception et de compréhension des personnes handicapées et à mobilité réduite. »
Les annonces vocales dans les bus
L’arrêté du 3 mai 2007 détaille les exigences concernant les bus et autocars. Il précise en annexe les caractéristiques techniques que doit avoir le matériel roulant pour être considéré comme accessible. Contrairement à certaines idées reçues, les obligations sont sensiblement les mêmes pour les bus urbains que pour les autocars interurbains.
« A bord de l’autobus, le nom du prochain arrêt doit être fourni sous forme sonore et visuelle par un équipement embarqué ; l’information doit être perceptible par l’ensemble des voyageurs et notamment ceux qui occupent les sièges réservés aux personnes à mobilité réduite. »
Les annonces vocales du prochain arrêt dans les bus sont souvent dépendantes de l’activation par les conducteurs. Or, il arrive que, généralement par manque de formation, parfois par manque de bonne volonté, ces annonces ne soient pas activées. Il est donc fortement recommandé que ces annonces soient systématisées et que les conducteurs soient sensibilisés pour faire remonter tout problème de panne ou de dysfonctionnement.
Les informations de service sont également concernées par l’obligation de double modalité, visuelle et sonore : « En cas de lignes en fourche, de services partiels ou de perturbations, les informations doivent être fournies par l’afficheur visuel et doublées d’une annonce vocale de la destination ou du changement. »
Les bus et les autocars doivent par ailleurs annoncer vocalement leur numéro de ligne et leur destination à l’ouverture de la porte : « Une information sonore asservie au bruit ambiant (+ 5 dB) sur la ligne et la destination du véhicule doit être délivrée par un haut-parleur situé près de la porte avant ou par un système équivalent. »
L’expression « par un système équivalent » autorise le déclenchement de cette annonce par la télécommande universelle qui déclenche les feux sonores. C’est la solution en place à Lyon. Il semble que le déclenchement à la demande soit mieux toléré par les conducteurs et par les riverains habitant proche d’un arrêt de bus que l’annonce vocale permanente à chaque ouverture de porte.
Il est à noter que le dispositif de demande d’arrêt, les signaux du valideur, ainsi que l’ouverture et la fermeture de portes doivent également être sonores.
Seuls les bus et autocars pouvant transporter moins de 22 passagers sont dispensés de ces exigences. Pour ces véhicules de faible capacité, c’est le conducteur qui doit annoncer le numéro de la ligne, sa destination et le prochain arrêt tout au long du parcours.
Si vous voulez aller plus loin, sachez que l’arrêté du 3 mai 2007 modifie l’arrêté du 2 juillet 1982 qui rassemble l’ensemble des exigences réglementaires s’appliquant aux véhicules de transports en commun.
Les annonces vocales dans le tram et le métro
Le tram et le métro rentrent dans la catégorie des transports publics guidés urbains. En effet, ces modes de transport roulent sur des rails en agglomération. Ceci les distingue des bus et cars qui roulent sur la route, mais aussi des trains qui roulent sur des voies de chemin de fer hors agglomération gérées par l’Etat ou les régions.
En tant que véhicules de transport public guidé urbain, les trams et métros doivent répondre aux exigences de l’arrêté du 13 juillet 2009. Petite précision utile : les trams-trains ne sont pas concernés.
En ce qui concerne les annonces du prochain arrêt, l’arrêté précise que « l’information du nom de l’arrêt doit être faite de façon sonore et visuelle par un équipement embarqué. » L’annonce sonore doit être courte, claire et bien audible. Elle doit être plus forte que le bruit ambiant de 5dB pour être entendue en toutes circonstances. L’annonce doit être faite assez tôt pour que les voyageurs aient le temps de se préparer à descendre.
De même que pour les bus et les autocars, les annonces de service doivent être à la fois sonores et visuelles. Un dispositif d’annonce sonore doit également être disponible à l’extérieur des véhicules ou sur les quais chaque fois qu’un tronçon est commun à plusieurs lignes. L’annonce doit alors indiquer le numéro de ligne et sa destination.
Les annonces sonores dans les trams et métros sont généralement automatisées et intégrées dans les systèmes de gestion des lignes. Cependant, on constate que les lignes du métro parisien ne sont pas encore toutes équipées. Espérons que les jeux olympiques et paralympiques Paris 2024 et la signature d’une charte entre la RATP, Île-de-France Mobilités et la CFPSAA accélèrent les choses.
Si votre réseau de transport local n’est toujours pas équipé d’annonces vocales pour le prochain arrêt, je vous recommande de vous rapprocher des associations représentant les personnes ayant un handicap visuel pour avoir un poids politique et adresser des courriers aux élus et responsables des transports. Préparez bien votre dossier, les textes réglementaires cités dans cet article vous aideront à étayer votre argumentaire. Vous pouvez également rappeler que les annonces vocales ne concernent pas uniquement les personnes aveugles ou malvoyantes. On estime que 2,5 millions de personnes sont en situation d’illettrisme en France et il est bien évident que la compensation sonore est pour elles un atout indéniable. En résumé, ce n’est pas un luxe mais une nécessité. N’hésitez pas à partager vos expériences en commentaire pour inspirer toutes celles et ceux qui partagent cette quête.
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